L'emploi du temps

Öng Tran van Loo est un vieil ami de Saïgon. Il possède une qualité assez particulière.
Assis dans le fond de sa boutique il parvient a discerner dans la demi-obscurité les choses les moins visibles. Les ombres lui racontent des histoires affirme- t-il.

-C’est bien normal, je suis antiquaire, je vis au milieu de vieux objets.

-Ils ont beaucoup de choses à dire? Ils vous parlent du temps passé. Ne croyez-vous pas ?

Un léger grincement, sans doute un rire discret, agrémente sa réponse.

-Non, mon ami, car ce n’est pas le temps qui passe ; c’est nous qui passons. Le temps s’étale aussi bien devant que derrière nous. Qui peut prétendre que l’avenir sera plus long que le passé ? Lorsqu’on a atteint 80 ans il ne s’agit plus de compter le temps ; Il faut commencer à garnir son éternité en sachant qu’elle n’est pas le temps qui ne s’arrête jamais. L’éternité est tout simplement l’absence du temps. .

-Monsieur Loo, vous vendez de vieilles horloges et vous croyez que peut être le temps n’existe pas ?

-Si je croyais à l’existence du temps je l’aurais employé à quelque chose ! Or je n’ai fait qu’attendre qu’il passe, c’est donc lui qui m’a employé pour que je le regarde défiler devant moi.

-Vous pensez qu’il faut tout simplement laisser couler le temps ?

Le grincement de son ricanement prend de l’ampleur pour devenir un mélange de rire et de petits sanglots.

-Oui, comme on laisse couler un bateau dont la coque est pourrie.

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