L’HUMANITAIRE ET …L’HUMANITE !

Combien d'hommes et de femmes ayant passé une partie importante de leurs vies dans »l'humanitaire » ont-ils fait le rêve que voici, apparemment impossible à réaliser:

Rassembler toutes les organisations non gouvernementales, dites ONG, les agences internationales d'aide au développement, lesoeuvres charitables de toutes couleurs politiques religieuses ou laïques et leur poser la simple question suivante:
"Parmi nous tous qui fait quoi? où? quand? comment ?"

Sans doute les réponses apportées à ce questionnement permettraient, dès le départ de toutes actions, dites humanitaires, de trier et par là de sélectionner les programmes et surtout d'éviter les multiplications inutiles et coûteuses de nombreux projets similaires, de regrouper les budgets, de ne pas dépenser les mêmes sommes à plusieurs reprises et à supprimer des frais de voyages et d'achats inutiles. De faire en sorte que les actions ne se mélangent pas, n'entrent pas en concurrence et que ce que l'on nomme « la
guerre des agences » ne paralyse pas le travail véritable de l'aide humanitaire sur le terrain qu'elle soit entreprise au delà des mers ou au coin de la rue !

Il faut regarder les choses en face ; jamais une telle réunion ne serait possible et peu de « patrons » d'associations , fondations et autres groupements bénévoles n'accepteraient ce qu'ils prendraient
immédiatement pour un » contrôle » de leur travail. Depuis la naissance et le développement des agences humanitaires les choses se sont installées ,institutionnalisées solidement dans l'habitude, la routine et la volonté de « durer » Elles se sont cimentées dans la certitude de la possession d'une vérité unique née du » néocolonialisme moral « qui voudrait que le récipiendaire d'une aide n'ait qu'un seul mot à dire : merci.
Une approche simpliste qui veut ignorer les expériences, les coutumes et traditions, la culture profonde des sociétés vivant dans des civilisations différentes de celles prévalentes en Occident sous le signe de l'argent, considéré comme une panacée. Ce qui fonctionne bien ici doit être bon là bas.
Aucune écoute, aucune consultation en d'autres mots pas de conseils à recevoir de ceux qui vivent les problèmes de sous développement, de pauvreté, de santé. Seuls ceux qui donnent, seuls les experts de
l'occident savent et décident.

Nombreuses sont les organisations humanitaires qui succombent au « spectaculaire » Ce désir de « paraître » commence par l'impudeur du misérabilisme pour se perdre dans la publicité irrespectueuse de la situation vécue par ceux qui souffrent. Les boites aux lettres des habitants des »pays riches » se remplissent régulièrement de littérature illustrant la mendicité par des photos de personnes, bébés, jeunes et adultes détruites par la faim et la maladie, s'ajoutent à cela des fausses lettres de malades implorant
les donateurs de les sauver d'une mort annoncée. Où est le respect dû à l'être humain , en quoi cette indécente publicité , ce commerce de l'image volée à la misère peut elle secourir ceux que l'on expose
ainsi aux yeux des donateurs potentiels soudainement mis dans la situation de coupable, d'accusé? Quel peut être le prix payé par les associations quémandeuses pour mettre sur pied de telles
gigantesques opérations de « mailing » ? Ne peut on convaincre, informer le public d'une manière qui laisserait aux bénéficiaires des aides , une dignité légitime ? Il existe de la noblesse dans le malheur et la pauvreté, pourquoi ne pas la mettre en exergue plutôt que de rabaisser par de la « publicité » ceux qui ont besoin d'une aide fraternelle ?

La liste des échecs, les milliers de "projets pilotes" qui restent "pilotes" à tout jamais depuis des décennies en coûtant des millions de dollars pour ne finalement jamais se développer ,l'envoi de
centaines de "bénévoles" uniquement intéressés par les tours du mondes de la charité. Les achats de matériel 4/4 et autres véhicules inadaptés au travail lui-même qui souvent doit se faire à vélo ou à pied dans la brousse. Voitures consommant des litres de gazoline poluante et ne servant qu'à promener le personnel expatrié ….les séminaires, les conférences, les visites de personnalités, de stars, de
« people » sur le terrain afin de glorifier ceux qui dans leur bureaux climatisés encaissent la gloire avec le résultat de leurs collectes de fonds. Des sommes qui souvent sont immédiatement réinvesties dans de nouvelles opérations médiatiques ne menant pas aux but à atteindre !

Mais toutes ces négligences , ces erreurs nées d' un curieux attachement au rôle colonialiste de l'occident paraissent peu de chose et seraient dans certains cas sinon excusables tout au moins explicables par la faiblesse de la nature humaine, si on ne devait pas y ajouter des déviations coupables pour ne pas dire criminelles dans certains cas.
L'introduction de la « politique » et surtout de la « géopolitique » dans les manoeuvres qui poussent bien des puissances à maintenir leur présence dans le Tiers- monde est plus dangereuse encore que le manque de culture et les approches naïves de tant de mouvements dit humanitaires, autour du globe terrestre. Les exemples dramatiques ne manquent pas , que ce soit sur la terre africaine ou les mers du sud asiatique. Combien de conflits, de massacres et de magouilles certains disent de génocides, se sont déroulés sous le manteau "protecteur" de certains opérations "militaro-humanitaires"? Les jeux de la corruption , les yeux fermés sur les détournements de l'aide effectués par d'anciens « Ier de classe » de l'époque coloniale
devenus partenaires, pour déséquilibrer les classes sociales et faire taire les voix de la misère , ne créent ils pas plus de besoin que de secours ? Ne laissent- ils pas place aux seules urgences en négligeant les programmes de développement à long terme? Mais qui donc sont ceux qui se permettent d'énoncer et parfois de clamer de telles critiques? S'agit il de personnes trouvant inutiles toute aide humanitaire pouvant concerner d'autres races humaines que la leur, d'actions fraternelles sur d' autres continents que celui où il vivent ou s'adressant à des êtres humains nés dans d'autres classes de la société que celles auxquelles ils appartiennent ? Sont ce des paroles acerbes émanant de ceux qui sur cette terre stagnent dans la critique automatique de tout ce qui leur paraît proche des « idée nouvelles » basées sur la fraternité et la générosité?

Aucunement ,je dirais même bien au contraire. Il y a des dizaines d'années que des femmes et des hommes s'acharnent à développer sur le terrain des actions de simplicité qui peuvent sauver des millions de personnes de la misère ,de la faim, des épidémies et du sous développement.
Mais ils ne se trouvent pas où l'on pense qu'ils sont c'est dire à New York, Paris, Bruxelles, Genève ou Washington.

Non, ceux qui veulent que les choses changent et avancent, ceux qui désirent que l'humanitaire soit basé sur les réalités de la vie des populations en besoin, sont pour la plupart, des femmes et des hommes qui depuis de années travaillent là où « cela se passe » ils vivent, ont vécu et partagé la vérité de la misère , de la faim et de l'abandon des populations fragilisées par l'injustice mondiale et l'obstination arrogante des gouvernements d'Occident qui pensent à sens unique. Mais ce sont surtout les témoins de la lutte incessante que mènent des groupes humains de toutes races et conditions sociales, qui se battent pour que l'on ne les considère pas comme des « retardés » parce qu'ils veulent que leurs cultures er civilisations soient respectées et servent de soutien aux combats qu'ils mènent dans leurs pays afin d'y rendre la vie supportable pour tous. Pour aider, il faut écouter ,sans l'écoute pas d'action valable, l'aide ne peut être à sens unique Nord-Sud ,Il est souvent démontré que les actions de secours et de développement sont plus
efficaces lorsqu'elles vont dans la direction Sud-Sud.
Oui ceux que l'on nomme les « dissidents » des milieux humanitaires ont par expérience vu et entendu et surtout compris pourquoi l'irrespect du Nord jouait un rôle négatif dans la plupart des opérations dirigées de loin et confiées aux seuls cerveaux occidentaux.

Et pourtant de nombreuses situations dramatiques ont été sauvées par
les habitants de pays victimes des multiples drames humains
provoqués par le sous développement de leurs villages , de leurs
cités-bidonvilles et autres endroits où la pauvreté est reine .
Les actions courageuses et patientes entreprises par des
femmes ,hommes et souvent enfants ont une valeur primordiale .Elles
naissent de leur savoir ,de l'héritage qu'ils ont d'un passé mal
considéré par l'étranger qui le considère comme inutile et dangereux
simplement parce qu'il en ignore les valeurs profondes .
Ce sont pourtant ces gens de tous les jours qui doivent être
encouragés dans le travail qu'ils ne cessent de faire aussi bien dans
les endroits les plus discrets que dans les grandes agglomérations
d'Afrique , d'Asie ou d'Amérique Latine .
L'homme blanc a une qualité : il veut connaître et savoir , c'est
bien ; mais pour arriver à son but il veut des preuves
écrites .L'homme blanc attache une importance primordiale à ce qui
est couché sur papier mais il n'écoute pas !C'est ainsi que le
savoir ,africain par exemple , n'a tout simplement pas attiré
l'attention des colonisateurs ;ils n'ont pas entendu les réalités de
la pensée de l'homme noir et n'ont prêté aucune attention à sa
civilisation , à sa culture ILs ont cru qu'ils devaient écrire leur
propre histoire sur le livre des pays colonisés .Ce qui au départ
était de l'ignorance ,quelquefois du mépris ou un manque total de
considération dans la gouvernance des pays conquis ne les ont pas
quitté quand ils se sont trouvés , après la décolonisation, devant
le devoir de tout être humain d'aider son prochain ,qui et où qu'il
soit .Seuls les anciens « premiers de classe « du temps des colonies
ont été considéré comme interlocuteurs valables .Malgré le temps qui
passe, peu d'intérèt a été porté à l'opinion exprimée par les
habitants des pays dits « neufs » mais qui sont les plus vieilles
nations du monde ….

Faut il l'avouer, je suis, bien entendu, un de ces dissidents ayant, de par son travail « humanitaire » en Asie, Afrique et Amérique Latine, constaté depuis près de 37 ans les lacunes, les faiblesses
de ce qui se faisait « à l'envers » .Avec mes amis et collègues
également témoins du manque de compréhension de ce qu'était vraiment
le « terrain » de la part des dirigeants de nombreuses agences
internationales et associations occidentales,ceux là qui ne veulent
comme partenaires que des représentants de gouvernements de pays
riches ; où les gens sont pauvres, nous avons essayé corriger le
tir .Souvent nous avons réussi , parfois nous nous sommes trouvés
dans des impasses bureaucratiques inévitables .Et pourtant les choses
avancent lentement peut -être mais poussées par la volonté des
populations récipiendaires de secours et d'aide inadaptées à leurs
vies et besoins.
Tout a commencé simplement et aussi normalement que souffle le vent
du désert,que bruissent les feuilles des palmiers de la jungle ou que
poussent les grains d »oryza »dans les rizières.
Nos yeux se sont ouverts lorsque nous avons passé plus de temps à
regardé les gens vivre dans leurs villages et bidonvilles au lieu de
compiler et classer des rapports sur nos ordinateurs de bureaux .Tout
semblait pareil à la découverte des tableaux classiques des grands
maîtres par le biais de la peinture naïve ! L'émerveillement avait
remplacé les procédures et nous pouvions constater que les solutions
se trouvaient exactement à la même place que les problèmes et
qu'elles pouvaient être prise en main par ceux qui subissaient les
misères dues au sous-développement et non par des « experts »
prisonniers de leurs expertises .
Oui nous avons plongé et plongeons encore quotidiennement dans
l'océan d'une certaine utopie qui ne serait pas un rêve
irréalisable mais au contraire une marche vers un progrès basé sur
les vérités de l'humanité plutôt que dans le désordre de «
l'humanitaire » .
Aujourd'hui de plus en plus d'activités de développement se sont
libérées des ukases des administrations lointaines inspirées par
les code Napoléon et autres règlements imaginés pour régir des
sociétés européennes pour laisser la liberté d'offrir le volant à
de nouveaux pilotes , jeunes ,imaginatifs connaissant et vivant leur
propre civilisation et culture .Certaines grandes associations et
agences ont dû passer le pas et suivent à présent de plus en plus
les sentiers tracés par les « dissidents ».
La découverte de « l'aide par ceux qui doivent être aidés » est
souvent venue des plus petits niveaux .Ainsi quelquefois de
petits villageois africains qui voyant leurs anciens travailler le
bois de leurs forêts ,leur ont demandé d'en apprendre les astuces et
le savoir .De là ils se sont mis à fabriquer des bancs pour l'école ,
des chaises des tables pour les maisons ,des lits pour les Centres de
santé ,des étals pour que les femmes puissent vendre le savons
qu'elles fabriquaient avec de l'huile de palme.Avec les recettes
elles aidaient les garçonnets-menuisiers à acheter des outils… De
petites unions économiques se sont établies dans des patelins dont
les noms n'apparaissent pas souvent sur les cartes géographiques.
Petites choses , petits évènements qui ont donné la force à des pays
exsangues ,comme le Ghana par exemple de remonter une pente des plus
dangereuses . Ce pays avait été décolonisé par l'Angleterre qui avait
voulu le doter d'une infrastructure industrielle et financière copiée
sur le modèle anglais. En quelques années le désastre était
prononcé .Une population d'agriculteurs ne pouvait tenir à bout de
bras un tel fardeau .La situation économique était devenue tellement
désespérée que plus personne n'acceptait les billets de banque
nationaux ! Le troc traditionnel avait repris sa place .Cela donna au
chef de l'état de l'époque ( Mr Rawling ) l'idée de redonner a son
pays une âme africaine . Fraternité , simplicité et rejet des gadgets
luxueux importés d'Europe .
-Mr le président , pourquoi circulez vous à motocyclette pour vos
déplacements officiels ?Est- ce par besoin d'économie personnel ou
pour jouer aux humbles ?lui avais je demandé au cours d'un interview .
-Non c'est parce que, si, moi , Président de la république, je vais
au bureau à moto il n'y a aucune raison que mes ministres y aillent
en Mercédès !
Ce chef d'état avait refusé d'être payé en temps que premier
personnage du pays et vivait de sa solde de « group'captain »
aviateur. Son épouse faisait à vélo ses courses de ménage au
marché .Ses enfants allaient à l'école a pied comme le font la
majorité des petits africains .
C'est grâce à cette attitude simple et courageuse que ce président a
pu séduire les chefs traditionnels de tous les villages et leur
rendre une autorité »juste » en même temps que des devoirs sociaux
tels que :constructions de centres de santé à l'aide de l'échange
gratuit du travail des hommes et de leurs familles . Pas question de
paiement ni de circulation d'argent « ,on fabrique tout et on
organise selon les possibilités du village » affirmait il . .
C'est dans cette région d'Afrique que nous avons pu constater
combien le potentiel de volonté locale était puissant dès le moment
où rien n'était imposé de l'extérieur surtout quand ce « rien » ne
correspondait pas à la recherche de solutions issues du « way of
life » ,de la tradition de vie, des populations. La modernité , les
« gadgets » importés par les partisans de l'ingérence quelle que
soit son nom,n'ont été bienvenus que dans les capitales où siègent
les ministères et la stagnante bureaucratie des quartiers généraux
des sièges d'agences internationales. En » terre noire profonde »
tout commence toujours, par la bénédiction du récipient de vin
de palme versé sur le sol afin les anciens enfouis sous la terre
inspirent les villageois dans les décisions à prendre .. !
Après que le Nord Vietnamiens aient gagné leur guerre d'indépendance
contre les Américains le monde occidental a tourné le dos à ce pays
enfin libre en le laissant sans aucune aide.Ce n'est que dans les
années 8O que l'autorisation à été donnée par les vaincus pour que l'
UNICEF puisse enfin assister ce pays réunifié sous un régime
socialo- communiste afin que les petits Annamites » comme les
nommaient les coloniaux français, aient droit à des secours pour
combattre la tuberculose rampante ,les fièvres diverses et une sous
nutrition. Quasi ancestrale .
-Nous sommes des nains gracieux disait le docteur Hoa,femme médecin
ayant vécu dans le maquis ,au coeur des rizirères et des jungles Viet-
cong.
Les premiers officiers de l'unicef rendus sur place eurent malgré
cela l'excellente surprise de découvrir une organisation nationale
de qualité unique ayant accompli un travail de « première classe »
sur les plans de la santé et de l'éducation .Une toute petite
association était d'abord née à Hanoï avant de se répandre dans les
campagnes du Tonkin.Ce groupe avait été fondé par un homme d'âge
avancé et de quelques dames, grands- mères pour la plupart d'entre
elles .
Il s'agissait du »comité Mères –enfants ».Sous les bombes et le
napalm il est parvenu à protéger les enfants dans les situations les
plus tragiques et à organiser »à la vietnamienne »
un réseau national de soutien aux familles .L'aide extérieure venue
avec la paix n'a été faite de matériel étranger qu' à la condition
qu'il ne puisse pas être fabriqué dans le pays .
Dans le sud , à Saïgon ,le régime socialiste ayant renversé celui des
généraux Ky et Thieu ,il lui a fallu sans aide aucune, résoudre les
problèmes psychologiques dont les milliers « d'enfants de la rue »
abandonnés pendant l'occupation U. S. ,
souffraient .Orphelins ,petits brigands ,drogués, leurs réinsertions
dans la société n'était pas facile à entreprendre .Que faire ? Ils
étaient tellement choqués , leurs âmes tellement troublées qu'une
rééducation basée sur la culpabilité ne pouvait qu'aggraver leur
désarroi .Qui pouvait les comprendre ou même simplement les admettre ?
Les vietnamiens ne comptaient , depuis bien des années que sur eux
mêmes. Des années de guerres et de privation ne leur laissaient que
le recours à leurs subtiles intelligences et à leur fin sens des
réalités humaines .
« Quand tu connaîtras une face des choses ,imagine immédiatement les
trois autres » dit le sage pétri de taoïsme et de confucianisme.
Leur recherche de solutions n'a pas été longue ;ils ont réuni dans
différents centres éducatifs les enfants perdus ,accablés, en
dépression,ne pouvant plus garder leurs âmes claires tellement le
monde adulte en uniforme leur avait craché dessus . Comme moniteurs
ils leur avaient donné des filles de bar à GI ,des prostituées à
peine plus âgées qu'eux… mais ayant vu et connu des périodes de
malheurs pareilles à celle vécues par les adolescents des rues de
SaÏgon,Bien Hoa ou Da Nang .Toutes et tous avaient connu les mêmes
désespoirs ,il portaient en eux des blessures semblables ; ils
pouvaient partager leurs peines ,leurs souvenirs mais surtout leurs
désirs d' une vie nouvelle Leurs expériences communes pouvaient
servir de point de rencontre et finalement de ciment pour la
construction d'existences nouvelles .
-Ce centre de rééducation n'est pas une prison ,comme vous le
pensez,peut être ,m'avait expliqué Tuy, une des monitrices de
l'endroit ;elle-même une ancienne « petite pute « de la rue Catinat
Nous sommes ici dans une école ,une vraie école mais ce sont les
pensionnaires ,les élèves qui dirigent tout. Moi je suis une des
conseillères pour les anciens voyous .Lorsque on a essayé de faire
venir des professeurs diplômés cela n'a pas marché .Les enfants
préfèrent des gens ayant passé par le même chemin de vie qu'eux. Eux
et moi nous sommes d'anciens complices ,c'est pour cela que nous
partageons la même confiance et le même espoir .Avant de venir
travailler ici j'ai voulu me suicider ,comme beaucoup d'entre eux…
maintenant cela va ;on vit et on vivra longtemps .
-Grâce à qui ?
-Grâce à nous .
Cette décision de soigner le mal par le mal s'est bien répandu et a
été très efficace dans toute l'Indochine .
Loin de le considérer comme une espèce de programme « à la
chinetoc » des organisations spécialisées comme l'UNESCO et L'UNICEF
l' ont soutenu. De nombreux jeunes ont ainsi été sauvés des
dépressions et autres gouffres de l'angoisse où ils avaient été
plongé dès leurs âge le plus tendre ..J'en connais personnellement
et je pourrais aligner ici des cas et des situations étonnantes
vécues par d'anciens petits voyous rééduqués dans ces curieuses
écoles. .Par exemple le jeune Hoan,marchand de drogues et de revues
pornographiques aux militaires américains pendant la
guerre ,devenu ,à la sortie du centre dirigé par les anciennes filles
des rues ,le plus important des libraires anglophones de l'ex-
capitale du Sud Viet- Nam.
Ces programmes imaginatifs basés sur la connaissance des populations
sont souvent regardés avec condescendance par les « experts » venus
de l'occident .Il y a peu une association de médecins français
sollicitait ses donateurs afin de trouver les fonds nécessaires pour
envoyer des psychiatres et psychologues européens pour soigner les
enfants Ruandais témoins- rescapés du génocide anti Tutsi aux pays
des Milles collines ! On peut imaginer le désastre qui , sur place ,
peut être provoqué par le choc des cultures en un tel
cas .L'instauration du dialogue impossible !
L'envoi de médecins dans les pays du Tiers monde peut pourtant être
bénéfique mais dans des circonstances bien particulières .Lors des
situations d'urgence , bien entendu où toutes les idées et
interventions sont nécessaires,mais surtout pour entreprendre des
missions de « partage du savoir ».
A ce propos un exemple des plus intéressant est celui de Dr
Christian Dupuis , médecin belge , se présentant modestement comme «
travailleur manuel » de la chirurgie réparatrice..
Cet homme a commencé à s'intéresser aux cas des enfants vietnamiens
défigurés par des brûlures de napalm pendant la « guerre des
américains dans le Sud- est asiatique .Il passait le temps consacré
aux vacances à venir sur place pour opérer et greffer les petites
victimes du conflit .Puis il s'est rendu compte que les bébés
indochinois nés avec un bec de lièvre mouraient rapidement car
incapables ,pour la plupart de téter le lait maternel à .cause de
leurs lèvres et palais fendus .
Depuis bientôt trente ans à présent il continue à prendre sur son
temps de congé ,pour se rendre bénévolement au Viet-
Nam ,Laos ,Cambodge et Birmanie pour s'occuper de ce problème
vital .L'essentiel de ses missions n'est pas d'opérer les enfants
mais surtout de former de jeunes chirurgiens du pays ,dans leur pays,
afin que d'une façon quasi automatique le bec de lièvre et autres
déformations faciales soient « réparées » dès les premiers temps de
vie ,c'est-à-dire les plus cruciaux . Rien que pour le Laos le Dr
Dupuis a mis l'an dernier 16 chirurgiens au travail sans qu'ils
aient à quitter leur pays auquel ils veulent dévouer leur nouveau
talent de chirurgien de la face .
Tout est une question de dosage et de partage. Aucun aspect de la solidarité ne peut être négligé ni méprisé .La connaissance qu'ont les uns et les autres doit être mise sur la table et ceux qui
préfèrent le mot humanité à celui qui groupe, sous un parapluie trop vaste, des entreprises dites humanitaires, doivent pousser au plus loin la recherche en ce domaine. Pas une recherche confinée dans des laboratoires ,des bureaux et des classes d'université mais un travail fait avec soin au plus profond
des sociétés prétendues « sous-développées » parce que lointaines et trop peu écoutées, pour ne pas dire quasi inconnues par le monde confortable.

De grandes comme de petites organisations se sont, heureusement, plongées pratiquement dans la vérité de la mission chargée d'humanité qui est la leur. Ils'agit d' associations qui, nées dans les pays en besoin, gérées par des volontaires et professionnels locaux, peuvent devenir fortes et utiles sans être «colonisées » par des organisations étrangères situées loin des problèmes et qui dans bien des cas font perdurer des situations proches du néocolonialisme .On ne peut imposer des mentalités d'importation. Souvent l'Occident pense que les solutions sont trouvées simplement parce qu'elles sont mises sur papier dans ses termes. Expliquer n'est pas résoudre.

Se pourrait il qu'un jour prochain les responsables de la lutte contre le sous-développement corrigent le tir et que l'assistance extérieure trouve enfin ses vrais interlocuteurs ?

Si cette question reçoit une réponses positive,si les hommes de l'humanitaire abandonnent leur regard condescendant afin de se remettre en question, peut être les habitants du monde en développement et surtout leurs enfants deviendront- ils les héritiers d'un couple uni par les connaissances mutuelles, grâce à la communion des expériences du Nord et du Sud de notre Planète .

Jacques Danois

N.B. En 1991 L'Académie Royale Belge de littérature et de lettres française à décerné son prix « Eugène' Schmidt » à Jacques Danois pour son ouvrage « Printemps blessés » préfacé par le regretté George Sion. Cet ouvrage témoignant des problèmes de l'humanitaire, traités dans cet article , vient d'être réédité aux dossiers d'Aquitaine  (Bordeaux)

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